Jeu de mot facile, non ? Le parcours de ce numéro anniversaire (20 ans) fait un retour en arrière. Pour que le passé serve le présent et prépare l’avenir. Grâce à la ceinture « Est » de la ville de Liège, nos autorités avaient imaginé une protection redoutable face aux risques d’invasion allemande. Fin du XIXème siècle, puis entre les deux guerres, les Forts de Liège sortirent de terre. Ils restent des témoins privilégiés de la barbarie humaine. Rendez-vous au boulevard d’Avroy, dans un lieu au service des générations futures, pour une première étape empreinte d’émotions.
Au fût !
Moto Pulsion vous offre de la courbe, des routes superbes, des paysages grandioses et intimistes et un thème peu ordinaire : les forts de Liège. Entre mémoire et plaisir de la moto, nous démarrons dans lieu étonnant : les Territoires de Mémoire nous présentent l’Histoire pour servir le présent. Comme un phare qui mettrait en garde des dérives de l’exrême-droite, l’endroit est bien vivant. Après quelques détours dans le centre-ville, on traverse rapidement la Meuse pour aller enjamber la dérivation. On traverse Bressoux, pour arriver à Jupille. Pays de Inbev, ne manquez pas de jeter un œil aux murs de fûts et de bacs jaunes des célèbres « bières d’hommes Les hauteurs de Barchon se méritent par une route aux goûts de mini col alpin (à Jupille ce sera sans faux-cols). Quelques courbes bien senties pour aller franchir la E40 et nous arrêter pour une première visite : le Fort de Barchon. L’endroit revit grâce aux visites organisées par des bénévoles, mais aussi par diverses activités sportives comme un parcours VTT, découverte spéléo, escalade ou stage nature : une reconversion au goût de réussite.
Une vie de rat
On plonge vers Visé par une agréable descente tournicotante. On longe la Meuse et le Canal Albert. Nous pourrons enquiller vertement jusqu’à Eben-Emal. La route est large et belle. On arrive au Fort d’Eben Emael. Après cette visite, la vie de rats des conscrits dans les 5,5 kilomètres de tunnels, les dortoirs nauséabonds, l’infirmerie de campagne, les rondes, les gardes et les postes d’observation n’auront plus de secrets pour vous. Nous quittons le fort par une toute petite route qui va nous permettre de remonter sur le versant ouest du canal Albert. La vue se dégage. A nos pieds se dresse fièrement le dernier pont suspendu en terre belge. Sur la gauche, l’impressionnante écluse de Lannaye. On descend par une courte série d’épingles à cheveux avant d’aller emprunter l’ouvrage d’art pour franchir le Canal Albert. On repart plein Sud vers Lixhe. C’est à Lixhe que l’on traverse la Meuse. Quelques centaines de mètres sur la E25, pour nous faciliter la tâche, retraverser Visé et retrouver une jolie route pour grimper sur les hauteurs de Warsage, On plonge à droite vers Neufchateau et atteindre le Fort d’Aubin-Neufchateau. On imagine le déluge de fer et de feu. Entre le 10 et le 21 mai 1940, ce seront 14.827 obus qui furent tirés. Des tonnes d’acier en provenance des batteries et de l’aviation allemande viennent enflammer le ciel et la terre. Après trois demandes de reddition, le fort tombe aux mains des militaires allemands.
Solide bâtisse à Battice
Notre route, paisible, continue à travers les paysages caractéristiques du Pays d’Aubel. Les collines semblent tumultueuses, composées d’une multitude d’ondulations verdoyantes. Les courbes sont toujours là pour nous mener au fort de Battice. L’Allemagne nazie de Hitler constituait une menace. Battice fut construit dans les années trente sur un domaine de 45 ha. 700 hommes se battirent pendant onze jours pour retarder l’invasion. Terrés dans quinze abris bétonnés, écrasés par la mitraille ennemie. Dans le bloc que l’on découvre depuis le parking, 28 soldats furent tué par une bombe qui fit ricochet contre les rails antichars disposés à l’entrée. On continue notre route. Après avoir traverser Herve, on bifurque plein Sud à Soumagne pour aller prendre de l’angle sur une route splendide vers Olne et Nonssevaux. De là ce seront les larges virages sur le bitume grandiose de la N61 qui nous amènent à Pepinster. Jetez un œil au grand bâtiment qui borde l’Amblève. Une ancienne usine textile, construite dans un pur style Art Déco, vieillit tant bien que mal et subsiste malgré les différentes crises. Après la ville du basket, on regrimpe sur le coteau en face pour enfiler la cote de Tancremont. Du pur bonheur !
Arrêt gourmand
Au sommet, ce sera notre cinquième lieu de mémoire. Le Fort de Tancrémont était équipé de 4 canons sous-coupole, de différents blocs mortiers et mitrailleuses. En sous-sol, à trente mètres de profondeur, le poste de commandement, la T.S.F, les groupes électrogènes et les carrés étaient à labri d’attaque ennemie. Que serait Tancrémont sans un arrêt gourmand ? C’est au « Péché Mignon » que nous avons jeté notre dévolu pour le plus grand plaisir, des yeux, des papilles et de l’estomac. Des délices en tarte à la rhubarbe, à la maquée, au sucre, aux abricots et très bientôt aux fraises, les saveurs se font douces au Péché Mignon. Ramenez-e chez vous, remplissez les top-cases, les valises, les sacs de réservoir ! Faites-vous du bien, faites en autour de vous ! On longe Banneux et ses lieux de prières. Une jolie boucle nous attend : d’abord vers Theux où les paysages s’ouvrent. Ensuite les larges virages de la N62 enquillés vertement donneront du cœur à nos moteurs. La route qui rejoint La Reid est magnifique. Si vous avez la chance comme nous de la parcourir par temps sec, vous serez aux anges ! Et le plaisir durera ainsi jusque Remouchamps. On rejoint l’Amblève. Sprimont nous attend déjà. Quelques lignes droites nous ramènent vers Liège. Remarquez entre Ogné et Beaufays, les nombreux panneaux dénonçant l’installation d’une gigantesque antenne GSM. Il reste encore un fort à contempler. Celui de Embourg. Sur une colline, accroché au coteau, dominant toute la vallée, il veille. Construit en 1880, il fait partie des tous premiers forts ceinturant la ville. On redescend vers Chênée. Nous sommes presque au bout de ce parcours. L’arrivée est splendide.
Solennel Cointe et fin
On rejoint Cointe. Perché sur sa butte, le monument interallié est chargé d’histoire. L’endroit solennel est prenant. Inauguré en 1937, il est composé d’un monument civil et d’un édifice religieux. Huit pays sont représentés pour leur participation au premier conflit mondial. La grande esplanade inspire respect et émotions ; et la vue sur Liège n’est pas en reste. C’est ici que s’achève notre route. Entre plaisir de la route, de la découverte et participation à la vie historique de notre pays, c’est une balade qui appelle aussi à la réflexion quant à nos choix politiques dans deux mois. Pour que l’Histoire et ses horreurs ne se reproduisent plus ! Bonne route, et bon plaisir à moto. Tous les détails de cette balade sont dans votre MOTO PULSION n°208 daté Avril 2009.